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Critique – Nobody (Ilya Naishuller, 2021)

Pandémie oblige, la sortie de Nobody a été repoussée plusieurs fois depuis la fin de l’été 2020. Au bout du compte, le nouveau film d’Ilya Naishuller (Hardcore Henry) n’a bénéficié que d’une sortie limitée aux États-Unis en mars dernier, avant d’être bazardé le mois suivant sur les plateformes de VOD américaines. 

Le projet était pourtant assez attendu par une partie des fans de cinéma d’action, son scénario étant écrit par Derek Kolstad, créateur de la franchise à succès John Wick. Les similitudes entre Nobody et la saga portée par Keanu Reeves sont d’ailleurs nombreuses, de l’ultraviolence de leurs personnages rattrapés par leur passé, à l’influence des jeux-vidéos d’infiltration type Hitman. Des projets de crossovers entre les deux univers seraient d’ailleurs dans les cartons, consacrant une certaine vision du cinéma d’action à l’égard de laquelle nous avons pourtant de sérieuses réserves.

Insignifiance

Hutch Mansell (Bob Odenkirk) est un père de famille frustré et méprisé par son entourage. Un soir, alors que deux cambrioleurs s’infiltrent chez lui, il fait le choix de ne pas intervenir afin d’éviter un drame potentiel. Ce geste le déconsidère encore plus auprès de sa famille, mais va réveiller en lui des pulsions de violence insoupçonnées. Lorsqu’un grand ponte de la mafia russe s’en prend aux siens, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase : jamais plus personne ne le prendra pour un « nobody ».

Au premier abord, le choix de Bob Odenkirk pour incarner le personnage principal du film peut paraître judicieux, eu égard à l’aura de son personnage de Saul Goodman dans Breaking Bad et Better Call Saul. Outre le dérapage moral, les deux protagonistes ont en commun de dissimuler ce qu’ils sont réellement, derrière la banalité des apparences. C’est la raison pour laquelle son personnage fonctionne assez bien pendant les vingt premières minutes du Nobody, où le spectateur n’est pas encore confronté à sa véritable nature.

Vient ensuite une première interrogation en ce qui concerne la physicalité de l’acteur, beaucoup moins imposante et iconique que celle d’un Tom Cruise ou même d’un Keanu Reeves. Lorsqu’arrive la première séquence d’action, l’interrogation se transforme en problème de crédibilité. Même s’il sait tout jouer, Bob Odenkirk peine à adopter les mouvements et la vitesse nécessaires à la viscéralité des combats, qui ne fonctionnent jamais vraiment en dépit de leur relative lisibilité. Même lorsque son corps est mis à mal, le seul fait de le voir battre à mains nues – plutôt qu’à l’aide d’armes à feu – des malfrats bien plus imposants que lui réduit considérablement l’impact dramatique des séquences d’action. L’invraisemblance n’est bien évidemment pas un mal en soi, à condition qu’elle ne corrompe pas l’implication émotionnelle du spectateur.

« Fun »

Malheureusement, le film s’inscrit dans cette mode du cinéma d’action des années 2010 qui consiste à excuser sa propre inanité en lorgnant du côté de la comédie et de l’outrance. On peut par exemple penser à la saga Kingsman de Matthew Vaughn, dont la distance cynique camoufle difficilement l’incapacité du réalisateur à incarner la violence qu’il déploie. On retrouve d’ailleurs dans Nobody cet effet assez désagréable d’accélération saccadée dont Vaughn est assez friand, l’effusion de sang numérique en moins. D’aucuns parleraient d’outrance visuelle héritée du comic-book, là où il ne faut voir qu’une intention graphique souvent indigeste.

Chaque enjeu de Nobody est ainsi pris à la légère, leur bêtise étant censée « excuser » leur évidente carence d’écriture. L’introduction du méchant est l’une des marques les plus  visibles de ce manque de sérieux, ce dernier n’apparaissant qu’au milieu du deuxième tiers afin de combler le vide et donner un objectif au héros. Le tout se termine dans une grande effusion de sang, de « fun » et de rigolade, qui, outre la vacuité de ses enjeux, s’octroie même le droit d’introduire un personnage-béquille sans contexte ni effort de caractérisation. Cette ultime facilité démontre là encore que le film peine à camoufler ses innombrables lacunes, et surtout, à éviter l’écueil du cynisme.

Sorti mercredi 2 juin 2021, réalisé par Ilya Naishuller, avec Bob Odenkirk, Aleksey Serebryakov, Connie Nielsen et Christopher Lloyd.

Note : 1.5 sur 5.

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