Si elle arrive un peu après la guerre, La Flamme, nouvelle création originale de Canal+, est une œuvre assez symptomatique du tournant pris par la chaîne suite à la lourde crise humaine et artistique qu’elle a connue à partir de 2015 et de son rachat par Vincent Bolloré. Une crise qui conduira la chaîne à non plus produire des séries près de chez nous, mais plutôt des séries très inspirées par un modèle international, quand il ne s’agit pas d’une adaptation française d’un concept étranger comme ici. Pourtant, derrière La Flamme, on retrouve la crème de la création française moderne de ces dernières années, bercée depuis toujours par ce fameux « esprit Canal » qui fait office d’étendard.
A sa tête, on retrouve donc à la réalisation, à l’écriture et même dans le rôle principal, l’inégalable Jonathan Cohen, dont la carrière a explosé ces derniers temps, et qui a justement fait ses débuts dans les séries Bref (2011), Bloqués (2015) et Serge le Mytho (2016), toutes trois originaires de Canal+. S’il est la tête de gondole de cette nouvelle série, il est aussi accompagné à l’écriture et à la réalisation par Jérémie Galan et Florent Bernard (déjà co-scénariste de Bloqués), qui avait fait ses premières armes sur Internet, biberonné à la culture humoristique américaine.
De culture américaine, il en est plus que question dans La Flamme, tout du moins indirectement. Adaptée de la série parodique Burning Love (2012), parodie, produite par Ben Stiller, des télé-réalités style Bachelor, La Flamme en reprend toutes les grandes lignes ainsi que les traits d’humour. Le timing comique à rebours, l’absurde poussé au maximum, un tendance accrue pour le ridicule, quelques excès de vulgarité ça et là, tout cela définit ce qu’est La Flamme et tout particulièrement Marc, son personnage principal, interprété par Jonathan Cohen.
Et si le casting est déjà beau derrière la caméra, il est encore plus luxueux devant, notamment les treize prétendantes qui devront tour à tour séduire Marc pour gagner son cœur, ainsi que les « guests » qui ponctueront chaque épisode de leur apparition inattendue. Camille Chamoux, Vincent Macaigne, Youssef Hajdi, Géraldine Nakache, Vincent Dedienne, Doria Tillier, Florence Foresti, Adèle Exarchopoulos, Laure Calamy, Ramzy, Pierre Niney… La liste donne vraiment le vertige, et c’est bien ce qui fait la principale réussite de La Flamme. Chaque acteur et actrice semble prendre un immense plaisir à accompagne Jonathan Cohen dans son délire, et beaucoup évoluent à contre-courant de leurs registres habituels de manière totalement décomplexée. Même Jonathan Cohen, pilier de l’émission, pousse à fond le potard du loser macho faussement romantique et surtout totalement idiot, nous apportant des blagues souvent aléatoires mais dont la plupart font mouche.
Un niveau de blagues qui alterne entre le génie et le futile, et qui va malheureusement suivre toute la série, ce qui fait qu’au delà de ses énormes qualités, il manque quelque chose pour la propulser aussi loin qu’elle aurait dû aller. Certains « running gags » sont répétés de manière trop forcée, d’autres apparitions paraissent trop anecdotiques, certaines blagues sont trop étirées, bref, la série cherche souvent à en faire « trop ». Une caractéristique pourtant typique de la comédie américaine, que le trio de scénaristes aurait pu canaliser et rendre plus féroce pour cette adaptation. On atteint pas le niveau de copier/coller d’une autre création Canal comme Mouche (2019), mais La Flamme semble trop prisonnière de son concept d’origine pour s’en émanciper, faisant que certaines très bonnes idées (comme les bandeaux de présentation des candidat.es lors des entretiens) ne sont pas exploitées jusqu’au bout.
On ne peut s’empêcher de ressentir un soupçon de frustration au bout de ces 9 épisodes, tant on sent que l’on est passé à « ça » d’un nouvel objet culte, malheureusement plombé par une écriture parfois inégale et manquant de mordant lors de certains passages. Si les trois premiers épisodes fonctionnent très bien dans leur vision cynique de l’industrie de la télévision, la suite connaît une nette baisse de régime, l’histoire peinant à évoluer au-delà de son simple postulat comique. De même, sa mise en scène parodiant les clichés de la télé-réalité arrive à faire preuve d’intelligence lors de certains gags, dont la scène des rencontres dans le premier épisode, mais se montre bien plus illisible lorsque plusieurs actions se déroulent en même temps ou que les personnages qui apparaissent dans la scène se font nombreux.
En cela, La Flamme est une œuvre que l’on retiendra pour son humour parfois sale gosse et sans complexe (le Dr. Juiphe, il fallait l’assumer celle-là) ainsi que pour son casting formidable, Leila Bekhti et Adèle Exarchopoulos en tête bien entendu, mais dont la finalité nous laisse un goût amer en bouche. La série étant déjà renouvelée pour une saison 2 qui devrait cette fois suivre une bachelorette, il ne reste plus qu’à espérer que le cap du renouvellement permette à Florent Bernard, Jérémie Galan et Jonathan Cohen de s’émanciper de leur base d’origine pour l’amener ailleurs, car le potentiel, lui, est parfaitement là.
Disponible sur MyCANAL et en DVD, réalisé par Jonathan Cohen et Jérémie Galan, avec Jonathan Cohen, Vincent Dedienne, Leila Bekhti, Adèle Exarchopoulos.

Une réponse sur « Critique – La Flamme, saison 1 ( Jonathan Cohen et Jérémie Galan, 2020) »
[…] Les créations originales Canal+ ont le vent en poupe en ce moment, et Calls, initiée en 2017, fait partie de celles qui tirent leur épingle du jeu avec brio. Au départ simple création du réalisateur/vidéaste Timothée Hochet pour sa chaîne Youtube, le concept de sa vidéo, qui nous raconte une apocalypse imminente uniquement via des appels téléphoniques, va taper dans l’œil de la chaîne, qui va le contacter afin d’en tirer une série entière. […]
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