Bring Me The Horizon. Normalement, la simple évocation de ces quatre mots devrait suffir à provoquer moult polémiques, et ceci dans à peu près toutes les sphères musicales. Car s’il y a bien un groupe qui a su puiser dans tous les registres au cours des années 2000 et 2010, c’est bien celui d’Oli Sykes et sa bande. Mais avant de parler de POST HUMAN : SURVIVAL HORROR, leur dernière sortie en date, un petit retour en arrière s’impose.
D’abord propulsés à partir de la seconde moitié des années 2000 dans les hautes sphères de la scène « Deathcore » à tendance emo (un mélange entre Death Metal et Hardcore mélodique, la mèche incluse), le groupe de Sheffield change assez vite d’axe créatif avec l’arrivée de Jordan Fish aux claviers. Ainsi, dès 2013 sort Sempiternal, très certainement leur meilleur album encore à ce jour, et véritable parpaing à la frontière des styles. Produit par Terry Date (producteur mythique de Deftones, mais également de Pantera, Soulfly et bien d’autres), ce quatrième album fait la part belle aux éléments électroniques, et présage un net revirement vers un rock/metal plus fédérateur et surtout diablement efficace. Difficile de ne pas trépigner d’excitation à l’écoute de tubes en puissance comme « Empire (Let Them Sing) » ou encore leur hit incontestable « Sleepwalking ».
Bref, un carton plein qui va convaincre le groupe à persister sur cette voie, et pas de la manière la plus douce, au grand dam des fans historiques qui voient leur groupe fétiche quitter ses racines. C’est alors que débarque That’s The Spirit en 2015, considéré par beaucoup comme le premier acte de divorce du groupe avec ses origines purement metal, pour évoluer vers un rock alternatif plus centré sur ses singles/hymnes, à la musicalité pas si éloignée d’un Linkin Park (un élément sur lequel nous reviendront plus tard). Une progression qui sera encore plus accentuée avec amo, qui s’engouffre encore plus dans ce mood pop-rock à l’efficacité toujours aussi ravageuse, à l’instar de ces incroyables tubes que sont « wonderful life » et « MANTRA ». Un album toujours plus aventureux, pour un public ayant de plus en plus de mal à savoir vers où le groupe se dirige.
Et la réponse est finalement plus simple qu’il n’y paraît : ils suivent tout simplement leurs envies musicales de l’instant. Plutôt que de rester sur leurs acquis ou suivre bêtement les tendances des charts, la décennie 2010 va marquer une profonde volonté d’exploration pour le groupe, qui atteindra son apogée avec leur « hors-série » Music to Listen to~Dance to~Blaze to~Pray to~Feed to~Sleep to~Talk to~Grind to~Trip to~Breathe to~Help to~Hurt to~Scroll to~Roll to~Love to~Hate to~Learn Too~Plot to~Play to~Be to~Feel to~Breed to~Sweat to~Dream to~Hide to~Live to~Die to~Go To (c’est son nom), qui mêle electropop, musique ambiant et nappes industrielles.
Nous voici donc en 2020. Alors que la terre est désormais à l’agonie, que la moitié du globe est confinée chez soi et que le milieu culturel est en arrêt forcé, les membres de BMTH décident de persister dans ce qui leur réussit le mieux : faire comme bon leur semble. C’est dans ce contexte anarchique que débarque POST HUMAN : SURVIVAL HORROR, premier opus d’une série de quatre EP, tous composés à l’aide d’un « home-studio », et dont la sortie progressive se fera tout au long de l’année à venir. Et on ne va pas maintenir davantage le suspense : l’album est une vraie bombe en bonne et due forme.
Si le groupe Code Orange, pas si éloigné que ça dans la veine « metal teinté d’électro », avait marqué le début du premier confinement avec leur perle Underneath, nul doute que Bring Me The Horizon marque également en fanfare ce début de reconfinement. Et il faut croire que les événements actuels semblent avoir considérablement influencé les membres du groupe dans la composition de ce nouvel EP, tant certains de ses morceaux font partie des plus violents qu’ils aient pu composer depuis 2013, au bas mot.
Ainsi, « Dear Diary, » , le morceau d’ouverture, est une véritable tornade de violence comme on ne pensait plus en entendre venant du groupe, et tout particulièrement venant d’Oli Sykes, qui nous sort des growls tout droit sortis de Suicide Season, leur second album. Mais comment succéder à un morceau d’ouverture aussi mémorable ? En balançant jusqu’à plus soif des tubes tout aussi dingues les uns que les autres pardi ! Du début jusqu’à sa fin, POST HUMAN : SURVIVAL HORROR tire joyeusement toutes ses cartouches avec une créativité et un sens de la composition qui forcent le respect. Chaque morceau qui composent ces 32 minutes d’écoute marque d’emblée leur place dans les futurs concerts du groupe, dont la réponse du public ne se fera pas attendre. Tout juste pouvons nous trouver « 1×1 » plus convenu et en deça du reste, mais cela serait bien pinailler au vu du niveau général, d’autant plus qu’il met en lumière le talentueux groupe de rock/punk/rap anglais Nova Twins, dont le premier album est sorti en début d’année.
Quitte à se faire plaisir en composant sans contraintes, autant faire participer les copains et les copines : pas moins de quatre featurings ponctuent l’album, chacun y apportant son univers propre dans la foulée. Le jeune rappeur YUNGBLUD donne ainsi de la voix sur le hit incontournable « Obey », un des moments de gloire de l’album, tandis que (plus surprenant) le groupe Babymetal participe au morceau « Kingslayer », au refrain ravageur et terriblement entraînant. Vous l’aurez compris, il y a à boire et à manger dans cet EP tant il regorge de singles à en devenir, quitte à malheureusement perdre une certaine cohérence, ayant plus l’air d’une « mixtape » que d’un véritable album pensé et construit. Le seul élément commun à tous ces morceaux est principalement leurs paroles, toutes teintées d’une vision nihiliste du monde actuel (2020 style quoi), et surtout très influencées par les jeux-vidéo de survival horror (tiens donc), Resident Evil en tête dans le morceau « Dear Diary, ».
Mais qu’importe puisque les moments marquants, eux, sont toujours là, à l’instar de « Teardrops », premier « vrai » single issu de l’album et sûrement le morceau le plus Linkin Parkien du lot. On les avait mentionnés en début de critique, mais il est évident que plus la carrière de BMTH aura évolué, plus elle fût influencée par le groupe mené par Mike Shinoda et feu Chester Benninghton (notez d’ailleurs la présence d’une interlude nommée « Itch For The Cure »… Vous l’avez ?). Soit : une aptitude à mélanger riffs typiquement rock/metal et sonorités électro, et une capacité à créer des refrains mythiques que l’on a envie de hurler à tout bout de champ (« Obey » en tête). De ce fait, Bring Me The Horizon est un groupe qui, tout comme leur influence phare, aura essuyé de nombreuses critiques tout au long de sa carrière, mais aura toujours eu le mérite d’évoluer là où on ne les attendait pas. Pour le meilleur comme pour le pire, tout dépendra du public visé.
Dans le cas de ce premier EP ayant tout un terrain nouveau à défricher, Bring Me The Horizon aura souhaité unir sous un même toit les fans modernes comme old-school, sans toutefois céder au fan-service. Toutes les compositions sont incarnées, puissantes (merci la production de Mick Gordon, compositeur de la BO des derniers jeux Doom), et sont la synthèse parfaite entre le BMTH d’antan celui de 2020. Mais ne pensez pas que le groupe va rester sur ses acquis pour longtemps, puisqu’à en juger le dernier morceau de ce POST HUMAN : SURVIVAL HORROR, la douce et crépusculaire « One Day the Only Butterflies Left Will Be in Your Chest as You March Towards Your Death » (avec la chanteuse de Evanescence en dernier featuring), il semblerait que le calme après la tempête ne soit pas si loin… Et franchement, on a hâte d’entendre ça.
Sorti le 30 octobre 2020, produit par Oli Sykes, Jordan Fish & Mick Gordon, composé par Oli Sykes (chant), Lee Malia (guitares), Jordan Fish (claviers), Matt Kean (basse) & Matt Nicholls (batterie).

Une réponse sur « Chronique musicale – POST HUMAN : SURVIVAL HORROR (Bring Me the Horizon, 2020) »
[…] En attendant leur futur concert au Hellfest 2021 (espérons), Daron Malakian devrait bientôt enregistrer un troisième album de Scars on Broadway, tandis que Serj Tankian sortira cet automne son EP Elasticity, condensé d’idées non retenues pour le sixième album avorté du groupe. Mais avec cette sortie soudaine, l’espoir est permis, une fois encore… Pourquoi pas une série d’EP comme a décidé de le faire Bring Me The Horizon par exemple ? […]
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